Croyances, illusions et autres foutaises

J’avais eu la prétention de croire que la course, l’Ultra c’était LA vie. J’avais rêvé et même écrit que l’Ultra serait comme une vie vécue en une course, en une journée avec ses hauts et ses bas. J’avais fini par croire que, Homme, on triomphe de tout, de cette alternance de hauts et de bas. Qu’après un bas, ne peut venir qu’un haut. Que raison, calme, respiration, motivation nous assuraient la paix. Quelle illusion !... Après chaque course longue, difficile, je me sentais bien, serein, presque sûr de mon fait, certain de mes forces, vaguement conscient de mes faiblesses.  L’Ultra n’était alors pas dur comme la vie. Mais la Vie était facile comme un Ultra.
D’ailleurs en courant, j’avais pensé tout contrôler. La tête au vent et aux intempéries, les deux pieds trouvaient le sol à chaque foulée. Rassurant, simplissime… La vie devant soi, infinie.

Et puis un jour, la Vie, la vraie, nous tape sur l’épaule. Même pas mal ! Alors, vient la bourrade, dans le dos. On n’a rien vu venir… Mais le sol file sous les pieds, la terre s’ouvre et nous voilà engloutis, perdus. Et j’ai peur. Une peur vertigineuse. Il est où le fier Chevalier de l’Ultra ? Où sont ses croyances, ses illusions ?... Parties, enfouies avec la raison, le calme, la respiration, la motivation et tout le vernis... Ne restent qu’une urgence, un essentiel.  Course et Ultra n’y ont plus place.
Quand enfin, le calme revient, ils reprennent leur juste place, une place qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Celle d’une activité annexe, un divertissement tel que Blaise Pascal le décrit dans Les Pensées. Un divertissement pour oublier que nous sommes peu de choses sans doute et éphémères à coup sûr.

La leçon retenue pour un temps, les foulées reprennent vie. La course redevient une petite partie de l’existence. Dans le sillage de foulées de nouveau ensoleillées, le chevalier invincible de l’Ultra se fait petit, tout petit, tapi dans l’ombre.