Contraste...

J’aime bien trottiner dans ce coin. Je l’aime bien aux beaux jours, quand les champs se garnissent et se colorent. Avant d’y arriver, j’ai surplombé la vallée de l’Aussonnelle. Au printemps, le gazouillis des oiseaux sonorise le passage le long du château. Une descente, une bosse, la ferme sur la gauche, la route qui trace et moi avec… Facile.Tout est calme, apaisé et rien n’est plus agréable que d’y courir tôt le matin quand une belle journée s’annonce.
Sur le haut de Cornebarrieu, je file sur la droite et plonge tout droit face aux pistes de l’aéroport. J’oblique à nouveau près de la zone industrielle et je galope alors, léger, avec sur ma droite quelques vaches puis des serres fleuries. Sur ma gauche, curieux contraste, les avions décollent et je me mets à rêver de vacances. Je pense alors à Nathalie et à nos filles qui dorment encore. La journée va s’animer. Au loin sur le tarmac, la silhouette de l’A380 se découpe, majestueuse, sur les hangars métalliques massifs.
Je ne peux m’empêcher de penser que notre vie est presque facile, surement légère. Une vague de confiance, un sentiment de confort m’envahissent. A cet instant, je nous imagine en vacances, sous un soleil lointain. Je revois les photos de désert aperçues dans un numéro d’Ultrafondus. C’était beau, plein de promesses. 

Un break bleu foncé me dépasse sur la droite de la route puis traverse la chaussée et s’arrête face à un haut portail grillagé. Je croise à peine le regard du passager arrière alors que la voiture passe le portail. Bienvenue à lui au Centre de rétention administrative de Cornebarrieu, ultime salle d’embarquement avant l’avion de retour à quelques mètres du bâtiment. Face à moi, une femme arrive en marchant, sortie de nulle part. Elle porte des poches plastiques dans chaque main. Je ne saurais dire si elle est jeune ou vieille.  Elle marche, les yeux sur ses pieds et finit par s’arrêter devant le portail.
Un silence de plomb tombe sur ma route devenue achrome. La magie est rompue. Le flash info de 6h30 jaillit dans mes écouteurs. On annonce les nouvelles statistiques de reconduite. Les charters n’ont pas fini de décoller…
Devant l’ancienne mairie, je ne distingue qu’à peine fraternité presque effacée. Je repense que je suis en train de courir. Je tourne la clé de la porte d’entrée. Je lance le café. Le flot d’infos va continuer.  Une vraie logorrhée...
Je vais attendre pour déjeuner. J’ai la nausée…