L’art éphémère de la course…

art-courseJ’ai bien tenté de plaquer quelques accords sur une guitare. Je n’ai même pas réussi le bling et le blang de Bobby Lapointe et la guitare m’a plaqué. Les pinceaux pourraient me tenter mais j’ai deux mains gauches, très gauches, et que des pouces. J’aurais pu coucher des mots, je les aurais choisis électroniques mais j’étais même prêt à les manuscrire.Mais voilà, à lire les Jean-Paul Dubois, Percival Everett, Henry Miller, je suis persuadé qu’ils connaissent la magie des mots, la danse des idées, alors je me contente de m’émouvoir de leur fluidité et de la justesse du propos. Combien de fois ne suis-je revenu sur un passage, le lisant et le relisant en le ponctuant d’un "c’est exactement ça…".

Au fond je me nourris de tout cela, de ces musiques, de ces livres, de saveurs nouvelles, de plats familiers. Ce ne sont pas ces arts qui me touchent mais l’émotion de l’instant ; l’émotion de l’instant et son souvenir au fond de moi.

La vérité m'oblige à dire que depuis l'écriture de cette chronique, j'ai cédé à la guitare. Début 2011, je me suis mis à la guitare acoustique avec de plus en plus d'aciduité. Le retour en France début 2019 a été l'occasion d'aller un cran plus loin et régulièrement notre maison accueille désormais ''nos'' répétitions de country-folk-blues.

Comme je me nourris aussi de 1000 petits moments pas si anodins que cela pour qui apprend à les voir et mieux, à les regarder. Un repas en famille, un cinéma avec les enfants, un verre partagé avec un ami, un simple bonjour à un collègue, le sourire d’une inconnue comblent des jours ordinaires de petits extras. Et puis au fil du temps, j’ai fini par voir ces petits instants de magie, d’harmonie dans la course, au fil des foulées. La légèreté de la foulée, la ligne de crête d’un vallon dans la lumière de l’hiver, le vent qui voudrait me retenir le long des dunes, mes cuisses que chauffent dans le collant, l’eau que je bois avec délectation, le soleil qui se lève sur la ville sur la fin d’un footing matinal. Oublier la lutte du corps, ne plus voir que la beauté d’un paysage, le bruit rassurant de la respiration, la caresse de la sueur.  S’émerveiller de la sollicitude de son suiveur, se laisser aller à la profondeur d’une discussion avec un coureur inconnu.

J’ai alors peu à peu pensé ces courses comme des œuvres d’art. La recherche d’un esthétisme dans l’exécution du mouvement, d’une fluidité dans les rapports à l’autre, d’un équilibre dans l’effort. La course, la foulée ne sont plus qu’un moyen d’exprimer un art, celui de la beauté de la Vie. J’y exprime mon amour de la vie, de la terre, du vent, du soleil, de l’Humain. Je ne fais qu’exécuter des œuvres, mes œuvres. Je suis le seul à le savoir, j’en suis l’unique spectateur. Je me laisse aller à l’émotion d’instants éphémères de facilité, de beauté, de perfection dans le sentiment d’accomplissement.  L’art éphémère de la course, chaque fois renouvelé, réinventé...

La pensée fugace de des moments peuple désormais mon quotidien. Je sais alors que le bien être existe, je l’ai senti. N’est pas cela le bonheur ?