Millau, présentation & parcours

Parcours 100km Millau

Les 100km de Millau, quel beau sujet de dissertation !... Son parcours ? Un paradis ou un enfer, c’est selon. Onze participations m’ont offert une palette contrastée des différents endroits. Mais oui, je connais bien ce parcours découvert en 1981 en suivant mon père à vélo. Cinq ans plus tard, j’ai à peine dix-huit ans et c’est ma première participation, douze heures de souvenirs fabuleux.
C’est peu de dire que j’aime cette course. Je l'aime terriblement, avec passion, émotion et respect. Respect pour tout, autant pour les gens qui font de cette course une fête que pour les paysages. Ces 100km ne sont pas une course, c'est MILLAU. Ça ne se raconte pas, ça se vit de ton son être, de ton son corps, de toute sa tête, de tout son cœur. Un monument, la doyenne des courses de ce format en France.

Première épreuve de 100km en France en 1972, Millau fait figure de monument. Très vite, elle devient « La Mecque du grand fond ». Les candidats à l’Aventure, celle avec un grand « A » sont nombreux. Désir d’explorer des choses nouvelles, démarche de partage, recherche de performances pour des marathoniens curieux, les motivations et autres raisons de faire le grand saut sont nombreuses. Serge Cottereau est sans doute pour beaucoup dans l’histoire. Ses premiers livres dont le collector « La course de fond à style libre » rendent accessibles à beaucoup les rêves d’Ultra. A cette époque, les courses sont débridées et les performances de très haute volée. Les coureurs partent vite, voire très vite, les stratégies de course tiennent souvent du « ce qui est pris n’est plus à prendre », le matériel et plus encore l’alimentation sont rudimentaires. Tout semble simple, empreint de bon sens et de remise en question permanente mais les chiffres sont là : les courses se gagnent très vite, les coureurs à moins de 8 heures sont nombreux et la densité des performances est à peine croyable. Une chose est sûre quoiqu’il en soit, le business de la course est alors un tout petit gâteau et les appétits ne sont pas aiguisés comme aujourd’hui. Les GPS, les cardiofréquencemètres, les poudres miracle, les gels performance sont à des années lumières de ce temps. Autres temps, autres mœurs…

millau81Depuis lors, Millau fait vibrer les cœurs au rythme de milliers de foulées. Millau est le théâtre intemporel de comédies, de tragédies exacerbées par la rudesse de sa réalité. Des jambes, des corps, des têtes, des cœurs, des rêves parfois fous face à eux-mêmes et qui cherchent au plus profond une raison pour continuer, pour revenir. Une passion, une histoire d'amour mille fois partagée. La vie, une vie courue... en une journée.
Les instants de cette journée, j'en connais le prix et le goût. Je m'empreigne de leur saveur unique, faite de simplicité, de don de soi, d'amitié, de partage. Je suis riche de tout cela, riche de ces moments millavois, riche d'un trésor qui ne s'achète pas. Riche de cette émotion du départ, de ces milliers de mains qui frappent pour se donner du courage. Riche de ces paysages du Causse dont on devine la rudesse. Riche des sourires de tous ces gens qui nous préparent chaque année cette fête. Riche de cette histoire, de ces photos en noir et blanc que je retrouve avec un plaisir teinté de nostalgie. Mon enfance...
Encore gamin, j'aimais apercevoir Cottereau, Bellocq, Brengues et toutes mes idoles. J'aimais ces « cent bornards », cette admiration que j'avais pour eux. J'aimais que mon père me raconte. J'aimais mes pèlerinages en ces lieux si souvent rêvés : Saint-Rome, Saint-Georges, Le Rozier, Saint-Affrique...

J’aime ce 100 kilomètres parce que c'est Millau. Millau occupe chez moi une place à part : la foule qui se presse pour la conquérir, son parcours d'une grande difficulté, ses hauts lieux, cet aller-retour qui invite au partage en renforçant ce sentiment de grande humanité. Un partage simple d'une chose pourtant si difficile à expliquer... Un sentiment qui vous redonne confiance en l'Homme. Confiance en son esprit, confiance en ses possibilités tant est grande votre fierté d'en être venu à bout. Cette épreuve nous met en danger, fragilise nos corps et met nos âmes à nu. Pourtant, il n'y a rien à gagner, nous y sommes tous égaux et même plus... Alors oui, j'aime aussi l'effervescence du départ et le silence qui se fait plus tard, le bruit des souffles, le martèlement des pieds. J'aime les « allez, allez », les « bravo », les « courage » de mes compagnons de fortune que je vais tous croiser sur la route de Saint-Affrique. J'aime ces visages, ces sourires, ces allures que je finis par reconnaître. J'aime ces éclats de voix, le serpentin des lumières dans la nuit, ces morceaux de vie que je vole. Ce soleil qui inonde les vallées et fait brûler le rocher au cœur de la mi-course. Cette pluie qui lave les espoirs les plus fous, les envoyant ruisseler dans les fossés en pente de Raujolles et Saint-Georges. Cette lune qui détache les ombres feutrées sur l'Everest de Tiergues.

Je reviens à Millau pour tout cela. Parce que cette course me rend vivant autrement. Parce que cette course nous rend tous si crûment et authentiquement humains. A vous lecteurs, novices à Millau, qui rêvez d’y aller, je ne vous donnerai pas de conseils. Ou peut-être un seul. Allez-y dans la simplicité, sans prise de tête, plan d’entrainement, plan de course millimétré. Courez Millau comme le faisaient les anciens dans les années 70…

Je vais ici juste vous proposer mon découpage du parcours, les endroits à ne pas louper pour se refaire, ceux où on peut lâcher les chevaux et les coups d'œil à jeter... Si j'aime tant Millau, c'est aussi que je découpe le parcours. C'est plus facile ainsi de profiter de sa course sans rater les beaux coins. Allons-y...

Millau-Millau : km -1 à km 0 (je ne blague pas...)

Pensez à aller pointer au parc de la Victoire (le bien nommé) suffisamment tôt. Vous pourrez ainsi bien profiter de l'ambiance. Laissez un sac à la consigne, c'est toujours mieux de retrouver des affaires propres à l'arrivée sans avoir à retourner à la voiture. Profitez aussi et surtout du tour dans la ville fait en marchant pour rejoindre la ligne de départ et là, vivez bien les instants magiques qui précèdent l'envolée.

Millau-Le Rozier : km 0 à 21

C'est l'euphorie du départ. Attention, il y a beaucoup de faux plats. Pensez à vous ravitailler dès le départ. Le Rozier marque le point de demi-tour de la première boucle. Pour ceux qui sont « un peu derrière », vous aurez aperçu les premiers qui repartent sur l'autre rive du Tarn. Avec le départ à 10h, cette partie est parfois un peu fraîche. Les paysages y sont déjà magnifiques, notamment à partir de Rivière sur Tarn au km 10.

Le Rozier-La Cresse : km 21 à 29

Une partie de toboggan vous attend déjà. Gardez-en sous le pied et jetez un œil à ceux qui vous suivent sur l'autre rive du Tarn. Vous passerez sur ce tronçon le fameux endroit de la photo, du moins son emplacement historique, celui des photos noir et blanc des années 70. Peu avant la Cresse, profitez des parties faciles pour bien vous hydrater et prendre du solide. Vous devez arriver très frais à la fin du tronçon.

millau94asLa Cresse-Millau : km 29 à 42

Ce tronçon peut s’avérer très difficile. A partir du km 35, la route est facile mais très monotone. Sur l'autre rive, on aperçoit la route à 4 voies du départ et en fond de vallée, le viaduc. Il faut profiter de ces derniers kilomètres avant l'entrée de Millau pour bien se remettre à flots. Arriver frais ici permet de parfaitement passer les premières vraies difficultés de la deuxième partie.
En 1996, Je passe en 3h00 au km 40. En retrouvant les premières allées de platanes dans Millau, J’ai des papillons dans les yeux. Première hypoglycémie... Une minute de marche pour manger une pâte de fruit et tout repart.
Peu avant le parc de la victoire, après un premier passage par la place du Mandarous, vous croiserez sur une autre allée de platanes, ceux qui vous précèdent de peu au marathon. Le moment de jauger leur état de forme et de vous apercevoir que votre vigilance sur la nourriture fait de vous une femme ou un homme en parfait état, en meilleur état en tous cas que certains que vous croisez.

Millau-Raujolle : km 42 à 47

Là vous y êtes, ça y est vous courez la légende... Après le passage au marathon, vous traverserez une deuxième fois la fameuse place du Mandarous, souvent noire de monde, que vous avez souvent vue sur les photos. Les vieilles, celles des Mounès, Le Potier et autres Cottereau dans Spiridon. Elles vous ont fait rêver. Vous y êtes ! J'ai souvent eu la gorge nouée en passant ici.
Peu après le pont sur le Tarn, vous tournez à droite et vous voilà face à la première cote de cette deuxième partie. Elle n'est pas méchante mais si le soleil est au rendez-vous, la chaleur va commencer à vous prendre. Au sommet, ne foncez pas dans la descente, hydratez-vous bien, mangez un peu. En arrivant au rond-point, regardez la bosse qui vous attend. Et au-dessus, le viaduc... Tous ces coureurs éparpillés dans la pente, les suiveurs qui zigzaguent arc-boutés sur le vélo. C'est Millau et ce sont ces images que j'aime.

Raujolle-Saint Georges de Luzençon : km 47 à 51

A votre tour de monter cette bosse. Montez la à votre pogne, sans oublier de vous ravitailler régulièrement (au besoin, prenez un bidon à la main). Si vous passez bien, gardez-en sous le pied. Si vous peinez, ce n'est pas grave. Vous avez déjà beaucoup de kilomètres dans les jambes et ça ne veut pas dire que vous en baverez tout le long. Et puis, ce passage est l'un des plus durs sinon le plus dur. Au sommet, ouvrez vos yeux, le paysage est magnifique face à vous... Vous passez le km 50, c'est bien et vous êtes aussi fier qu'heureux. Profitez de toute la descente pour vous recaler au niveau alimentation. Faites le point sur vos jambes, vos pieds. S'il le faut, changez de chaussures, mettez un pansement. Le tronçon qui suit est un passage clef...

Saint Georges de Luzençon - Saint Rome de Cernon : km 51 à 59

La traversée de Saint Georges est longue et rectiligne. En sortant, vous allez trouver une route en faux plat montant jusqu'à Saint-Rome. A votre gauche, la voie ferrée, à droite le rocher. C'est un endroit chaud à tous points de vue. On peut ici faire de grosses différences ou tout perdre, et pourtant ça ne parait pas...
En 1997, j'arrive ici dix ou onzième. Devant moi, un grand type en tenue de triathlète court de gauche à droite en titubant. Ses suiveurs ne savent que faire. Je revois ce maillot marqué SNCF qui vacille au moment où je le rattrape. Je me retourne, le type est affaissé au bord de la route. Je crois qu'il pleure. Je sens la performance, c'est mon jour. Je décide d'embrayer. Plus rien ne compte... Deux kilomètres plus loin, Tim mon suiveur et mon père marchent à côté de moi et me parlent en me tendant à manger. Je suis très pale et je viens de frôler moi aussi la catastrophe...
Sur ce tronçon donc, soyez vigilant. Vous pouvez y courir régulièrement, profitez-en c'est chose rare sur la deuxième partie de Millau. Avant Saint Rome, ravitaillez-vous parfaitement pour attaquer le cœur de Millau, la fameuse côte de Tiergues...

Saint Rome de Cernon - Haut de Tiergues aller : km 59 à 64

En sortant de Saint Rome, vous trouverez de suite la pente de Tiergues. De belles rampes dans des bois de petits chênes. J'ai toujours bien aimé ce passage. Concentrez-vous au maximum et fixez-vous pour objectif les deux épingles qui arrivent après deux kilomètres d’ascension environ. Après les épingles, vous y êtes presque. En arrivant sur le haut, arrêtez-vous quelques secondes. Embrassez ce paysage, le Causse, les montagnes. A l'horizon face à vous la route qui file sur Saint Afrique et le ravitaillement qui se trouve après un kilomètre de descente. J'adore cette vue et j'y pense très souvent...
En 1997 toujours, je rattrape ici Denis Gack. Il est assis sur le talus à droite de la route. Quelques kilomètres auparavant, il était en tête mais n'a pas digéré une sélection en équipe de France deux semaines plus tôt. Je n'y crois pas en le voyant. Quelques mots, lui m'encourage avec beaucoup de gentillesse. J'admire beaucoup ce garçon et son fairplay a quelque chose d'infiniment humain et touchant. On comprend vite que je suis alors sixième ou septième. Il fait une chaleur terrible. J'ai l'impression de voler. Denis repartira pour finir en 9h17. J'exploserai sur le retour pour faire 8h56 et échouer à 1 minute de me marque de l'année précédente. Je n'avais pas eu son humilité ni sa classe...

Haut de Tiergues aller- Saint Affrique : km 64 à 71

Là, il faut y aller ! La descente ne finit jamais mais vous croiserez ceux qui vous précèdent, échangeant encouragements et sourires. Vous comprendrez plus encore que sans être une grande famille, il y a ici beaucoup de fraternité et de chaleur humaine.
Le bas de la descente est masqué et l'on ne voit la ville qu'en y arrivant. Dès que vous entrez dans les rues en entamant le tour de la ville, ravitaillez-vous pour courir le retour dans de bonnes conditions. Les badauds aux terrasses des bars vous encourageront, vous tentant d'une bonne mousse. Vous savez à présent que vous allez rentrer.

livrescSaint Affrique- Haut de Tiergues retour : km 71 à 76

Le retour dans la pente de Tiergues est terrible. Les premières rampes sont raides et brulent tout votre corps. Prenez-le tranquillement et attendez le calme pour vous remettre à bien avancer. La remontée est longue et il sera nécessaire de ne pas négliger la prise de boisson même si le souffle est court. En arrivant au ravitaillement, il vous restera un gros kilomètre de faux plat où le vent peut souffler fort. Il peut être nécessaire ici d'être chaudement vêtu surtout si la nuit est tombée.

Tiergues – Millau : km 76 à 100

Attention à la descente retour de Tiergues, très cassante et que peut compromettre votre fin de parcours. Ensuite la partie descendante entre Saint-Rome et Saint- Georges vous permet de dérouler facilement même si les kilomètres pèsent dans les jambes. A vous alors de tout donner pour les dix derniers kilomètres, loin d’être faciles.

Le secret sur cette course est de ne jamais penser à toutes les difficultés à venir. Ne pensez qu'au tronçon en cours et vers la fin de celui-ci, et seulement à la fin, pensez au suivant... Et surtout profitez de cette doyenne.
En 2010, pour la première fois, je n’avais pas retrouvé toute l’émotion des fois précédentes. Un nouveau passage en 2012 m’a rappelé combien cette course est belle. J’aurai donc sans doute le plaisir de vous y croiser dans les années qui viennent…
Si vous n’avez jamais couru Millau, intéressez-vous à cette doyenne. Si vous êtes novices, le monde qui s’y presse, l’ambiance en font un excellent choix pour une première. Vous ne serez pas déçu…

Article paru dans le Magazine ULTRAMAG n°1 de septembre 2013, version pdf disponible.